Vincent C : le magicien ose

D.R.

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(Article écrit avec Augustin Guillot)

Snobisme ou besoin d’exotisme ? À I/O, cela faisait un moment qu’on se disait qu’il faudrait tenter une descente au Palace. On a flashé sur l’affiche de Vincent C, le « magicien pour adultes ». On est allé le voir. On a ri comme des malades. Et si c’était au Palace qu’on pouvait recevoir une véritable leçon de théâtre ?

Il n’a jamais entendu parler de I/O. Mais quand il comprend que le journal ne se passionne pas vraiment pour la programmation du Palace, il nous rassure et sourit, relax : « Moi, j’aime mieux les intellos. » Vincent C, trente-cinq ans, pratique son art depuis tout jeune : quinze ans de carrière déjà, des salles pleines au Québec, son pays d’origine, la notoriété en France, conquise en deux saisons à « Fort Boyard ». Il a même partagé la scène avec Arturo Brachetti.

Trash. Ainsi définit-il son style. « Au Québec, on m’appelait le bad boy, le mauvais garçon de la magie. » Il ne se prive pas de faire des remarques sur l’âge, le physique, le prénom de « ses victimes ». Il malmène des spectateurs ravis, qui n’y trouvent rien à redire et en redemandent. Au besoin, il réactive « des stéréotypes tellement cons qu’ils ne peuvent que provoquer le rire. Car le but, c’est précisément de se moquer des préjugés ».

Vincent C n’aime ni les losers ni les weirdos : lorsqu’un spectateur échoue dans un défi qui lui a été lancé, il a gagné « une promenade dans le parc avec Joël Legendre », cet humoriste canadien surpris par la police en train de se masturber dans un jardin public. Comme Legendre n’est pas très connu en France, la blague est remplacée par une invitation chez les Le Pen. Car « personne n’aurait envie d’aller dîner avec Marine Le Pen ». Les numéros s’enchaînent. Question tempo, implication du public, déplacements sur la scène, Vincent s’y connaît : sa théâtralité intuitive et déglinguée, sans avoir besoin de s’embarrasser d’un quelconque prestige littéraire, en imposerait aux jeunes metteurs en scène qu’encense la critique.

D’ailleurs, on retrouve chez Vincent C tous les ingrédients qui séduisent ou scandalisent le public le plus exigeant du festival. Le spectateur du IN ne serait-il pas un spectateur du Palace refoulé ? « Ce n’est pas un spectacle de cul, même si je montre mon cul. » Vincent C, c’est en somme l’Angélica Liddell des boulevards. En moins chochotte. Pas besoin de rassurer le public sur la survie des anguilles (voir I/O Gazette n° 33). Ou de placer partout des pancartes attestant qu’aucun animal n’a été maltraité, comme y avait été contraint Jan Fabre, avec ses grenouilles écrabouillées du « Pouvoir des folies théâtrales ». Vincent C fait exploser sa colombe dans un gros bazooka, avant de la pulvériser à grands coups de batte de base-ball. Ne reste plus qu’un tablier, couvert de plumes, maculé de sang : « Mesdames, on s’inquiète pas. Une colombe, ça coûte que 15 euros ! »

Il explique : « J’ai étudié l’histoire de la magie. Autrefois, c’était beaucoup plus trash : les mecs, comme Bartolomeo Bosco au xixe siècle, décapitaient pour de bon des animaux vivants, des colombes, des corbeaux. » Mais le maître vénéré, c’est Houdin, le père de la magie moderne. « Comme lui, je suis le plus honnête des arnaqueurs. » Houdin voulait en finir avec tous « ces médiums, qui prétendaient avoir de véritables pouvoirs ». Vincent C n’aime la magie que quand elle dit le vrai. Avec son spectacle, il dénonce tous les abus et les manipulations : la télé, les politiciens… Vincent C est au fond une bonne fée qui, en recourant à tous les artifices du théâtre, va droit à la vérité et dissipe les mauvais sortilèges qui nous menacent.