Ce qu’il y a d’intimement dérangeant dans ce roman, c’est l’attachement progressif que le lecteur sent naître pour Daniel. Pourtant sans relief, ce dernier pourrait être la caricature pâle de l’homme à qui la vie n’épargne rien. Enfance sans amour, vie sans projet, et le temps qui se refuse à filer, il erre dans l’existence, tentant en vain de nouer des relations avec ses semblables. Les autres, justement, subissent sa présence, comme l’odeur âcre d’une pièce dont on ne parvient pas vraiment à trouver l’origine. Certes, on pourrait l’affubler du titre ronflant de « tueur en série », mais il y a dans cette expression un panache qui lui sied assez peu. Il a tué, oui, mais un peu par hasard et beaucoup par manque de chance. Ce que l’auteure Hedwige Jeanmart provoque, c’est une version livresque du syndrome de Stockholm, non dénuée d’humour ; elle effleure cette vie ratée avec douceur et lui donne la possibilité d’être un peu aimée, enfin.