Judith Magre semble infime et immense sous sa cape, elle ouvre le spectacle en interprétant Anne-Laure, qui s’éprend de Dédé et l’épouse avant de le désaimer. Elle entre dans ce « bord de scène » drapée de ce monologue de Minyana, avant d’être simplement Judith. Questionnée par un écrivain désenchanté qui veut écrire sur elle, elle se raconte à la lueur de ses rencontres : Sartre, Beauvoir, Giacometti, Aragon et Céline. Elle se livre à la bougie de son chemin : être une actrice. Elle convoque le bruit des talons sur les Ramblas à Barcelone, le jour où elle a chanté, son père qui gueule, une sœur adorée, le prénom de ses parfums successifs, une coupe de champagne, son maquillage dans une boîte à outils, le restaurant de poisson après la scène et ses rôles traversés comme un passage piéton : pour arriver de l’autre côté d’elle-même. La puissance de ce spectacle tient à son infinie délicatesse et à sa remarquable pudeur. Judith Magre, flamboyante actrice se dépose comme une plume face public, on la regarde lentement tournoyer et c’est une danse de vitalité et de douceur rythmée par un destin hors du commun. On l’écoute comme un enfant le soir avant de dormir : avec les yeux qui brillent et la peur de louper quelque chose en fermant le regard.