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Elsa Granat retrace la descente aux enfers d’une mère et d’un père —  et le combat de leur fille pour en réchapper. Un thème particulièrement épineux, qu’elle sublime en évitant tout pathos ou didactisme, grâce à un dispositif dramatique où l’espace et le temps se confondent au creux de la maladie et de la mort. Comme si l’urgence éventrait continûment le réel, créant des maillons de temps empoisonné, dans lesquels les personnages se rencontrent par-delà les époques et les lieux. À force d’être factice (à y voir le décor type anniversaire en extérieur, qui n’est que le socle mental de la fable), le réel s’ébrèche, et les fantasmes de la fille prennent le dessus… Chaque scène a l’air d’un rêve fragile, qui n’est jamais le prétexte à quelconque morale. De sorte que le défoulement bordélique des personnages a vite fait d’échapper aux certitudes : « Le Massacre du printemps » est un spectacle qui est toujours où on ne l’attend pas, fugace et intelligent. Il est certes inégal, tant le domaine du fantasmatique ébauche une route pavée d’embûches pour l’audacieux dramaturge qui s’y frotte. Mais la démarche, plutôt rare dans le contemporain, mérite largement le détour, en ce qu’elle dynamite tout a priori démagogique sur le propos grâce à une habile et émouvante écriture textuelle et scénique.