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La poésie de Paul Celan n’a plus le pouvoir alchimique de la boue baudelairienne, ni cette vertu fondatrice dont parle Hölderlin.  Elle est ce lichen évoqué par Jacques Dupin qui, envahissant les souches après la tempête, traduit une résistance résolue et risible de la littérature. La scène plastique et déclamatoire du collectif Kraagsteen est elle aussi un langage théâtral en berne, une humble tentative de ressaisir la turbulence malade de Celan. Un homme de bois et une banquise en aluminium repeuplent un désert de sens. La lisibilité des poèmes projetés s’évanouit lorsque le texte se poursuit sans traduction. Les arbres repoussent grâce à des monte-charges rouillés. Dans cette énergie du désespoir bon enfant, tout est lyrique et claudiquant, laborieux et prodigieux. « Il y a encore des chants à chanter au-delà des hommes » proclame l’affiche, et si ce « Matisklo » laisse l’assistance aussi perplexe, c’est sûrement parce que, comme disait Pablo Neruda, il n’a pas « chanté en vain. »