Nul doute que les échos acerbes de Baudrillard ne sont d’aucun remède « efficace » à la surréalité du contemporain. Voilà pourquoi il est bon de se replonger dans l’oeuvre : car il est à l’instar d’autres penseurs désespérés cultivant une intelligence à toutes les marges (de leur discipline d’étude, et parfois de l’intelligence elle-même) dont le souhait d’être destitué par anticipation d’un quelconque panthéon de l’intelligentsia — qu’y ferait donc le paysan du désert du réel ? — a été un peu trop vite exaucé. C’est sans compter sur Serge Latouche qui, prenant le soin d’éviter toute dithyrambe apriorique, se met en quête de retracer thématiquement le parcours du penseur (c’est-à-dire son oeuvre mêlée d’éléments biographiques factuels voire anecdotiques) en cherchant à le circonscrire, lui qui traversa maintes périodes moins aisément discernables qu’il, n’y paraît (à quel moment le Baudrillard métaleptique a pris le relais du Baudrillard situationniste, etc. ?), dans un hommage savant formalisé avec beaucoup de modestie, sans être pour autant exempté de quelques critiques bien placées (e.g. le point aveugle de l’écologie). Il n’en résulte pas tant un vademecum baudrillardien qu’une réflexion roborative sur les notions-clés d’une pensée : à défaut de revoir « Matrix » (dont la verve du penseur s’était dédite de toute parenté), on (re)plongera avec un goût plus aiguisé dans nos procédés séductifs et autres simulacres.