Les grandes villes n’existent pas

Les grandes villes n'existent pas

« Nous y voilà donc ! Quel bonheur ! Il me semble que c’est un rêve ! » se répètent les deux héros désopilants de Flaubert, Bouvard et Pécuchet, leurs figures rougies par le grand air et le ventre rassasié, après qu’ils se sont retirés à la campagne. Flaubert a choisi, non sans ironie, de dresser le portrait de deux bourgeois parisiens venant prendre leur « shoot » de retour à la terre. Cécile Coulon nous parle, elle, des « bouseux » qui la remuent, cette terre. Dans ce court texte publié en 2015 et réédité en poche, elle pose son regard « en silence sur les terres auvergnates » et dresse le portrait d’une génération qui a grandi loin des villes et pour laquelle la ville est un doux rêve source d’immenses désillusions lorsqu’il devient une réalité tristement concrète. Dans ces zones en marge, telles qu’a pu les décrire aussi Nicolas Mathieu dans son roman « Leurs enfants après eux », on tue le temps en traînant dans la rue, en se retrouvant au stade entre adolescents ou en participant aux fêtes du village. À l’ombre du clocher tutélaire de l’église, on se retrouve, on échafaude des plans pour fuir, sortir de ce monde clos et indépassable, et pourtant, même quand on parvient à fuir, on y revient parce que c’est là que bat le cœur de la vie de tous ceux qui ont presque réussi à se persuader, au fil du temps, qu’il n’y a pas d’autres lumières au-delà des montagnes. Le petit essai – qui est à mes yeux un petit poème – de Cécile Coulon vaut tous les cours de sociologie du monde, parce que seule la poésie peut dire ce qui est : « Dans l’ombre des volcans, dans la caresse des vents secs, dans l’odeur des champs, dans le bruit des rivières, des enfants naissent, et pour eux, ce sont les grandes villes qui n’existent pas. »