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Il y a des chorégraphies qui charrient le public comme des gravillons dans un torrent en cru. Plus brutal que les opus de sa trilogie sur l’amour, et notamment “OCD Love“, “Soul Chain” est aussi plus intransigeant et plus primal. De son long passage à la Batsheva, Sharon Eyal a retenu l’importance de l’impulsion intérieure et du relâchement du spasme dans une économie de geste. Mais aussi de la subtile dialectique entre l’individu et le groupe : les 17 danseurs.euses, en justaucorps uniformisé, composent et décomposent avec une maîtrise d’une rare exigence une masse de chair toujours tonique et fluide. Ici, pas de représentation du romantisme, prévient Eyal. En effet : nous sommes submergés par les assauts d’un amour in-carné, et nul doute que le désir soit un sport de combat. Les nappes sonores, matière hypnotique quasi ininterrompue d’un bout à l’autre du spectacle, apportent cette saturation des sens qui est le préalable à la transe collective. De la musique techno, Eyal retient sa capacité à aligner les rythmes cardiaques et à harmoniser les synapses : une neurogamie, en somme, dont nos corps et nos esprits ne peuvent sortir complètement indemnes.