Dans ce double bill du Malandain Ballet Biarritz à Chaillot, Thierry Malandain et Martin Harriague chorégraphient les deux chefs d’œuvre de Stravinski : « L’Oiseau de feu » et « Le Sacre du printemps ». Le travail du premier est fidèle à ses inclinations classicistes et quasi patrimoniales. Des trois suites du ballet, il opte pour la version, plus sobre, de 1945 – comme Béjart, mais contrairement à ce dernier c’est à une dimension plus religieuse et moins politique qu’il nous convie. Les 22 danseurs, comme autant de lames d’un tarot mystique, se déploient dans un clair-obscur maîtrisé, avec une mention particulière pour l’intensité sépulcrale des oiseaux noirs et surtout les soli d’Hugo Layer, courbant l’espace-temps de ses ailes de feu. Malandain renoue avec le sens de la fable et convie à une conférence des oiseaux qui, à défaut d’être révolutionnaire, s’avère sobre, élégante et d’une remarquable fluidité.
Harriague, de son côté, ne cherche tant à se reconnecter à l’organicité du « Sacre », tel qu’avait pu le faire notoirement Pina Bausch dans les années 70 avec son plateau terreux, mais plutôt à une forme d’énergie ludique et multidirectionnelle. Une belle idée introductive : extraire les danseurs d’un piano qui égrène les premières notes cultes du basson, comme si le ballet s’échappait de la musique même, pour se muer en autant de créatures florales et animales à l’état larvaire ou de germination. On sera plus circonspect sur la place accordée à la figure ancestrale, visuellement un peu trop premier degré. Par moments un poil démonstrative, à l’image de ces fleurs poussant sous le soleil-projecteur, la chorégraphie d’Harriague est la plus convaincante dans les duos et dans une époustouflante séquence de portés illustrant la séquence de glorification de l’Elue.