Tunnel du verbe

Les Galets au Tilleul sont plus petits qu'au Havre (ce qui rend la baignade bien plus agréable)

© Julien Athonady

Variation autour des tunnels dans une conversation (celui qui continue indéfiniment la conversation alors que tout le monde veut partir ; celui qui s’épanche dans une anecdote trop longue ; celui qui par esprit de contradiction, réfute tout ce qui se dit sans pourtant argumenter), « Les Galets au Tilleul… » debunke le risque primordial du projet : on ne s’emmerde pas du tout devant des dialogues pourtant emmerdants à souhait ; c’est déjà pas mal. Ceci pour au moins trois raisons : la structure en courtes scènes qui empêche chaque tunnel de s’enfoncer dans des abysses de l’ennui ; le régime de jeu qui, tout en conservant des situations prédéfinies, laisse libre cours à l’improvisation ; et enfin les interludes (chant et danse) qui aèrent la dramaturgie, d’autant que Claire Laureau et Nicolas Chaigneau sont danseurs de formation. L’œuvre est un succès parce qu’elle contredit son objet : le chiant devient hilarant, le banal, presque transgressif, à mesure que l’on se reconnaît dans les tics de langage et autres expressions pénibles des personnages. Paradoxalement, c’est aussi l’impasse du spectacle, dont la réception consiste surtout en une sorte de béate identification : en séparant les conversations des interludes (postures incongrues, écoute musicale, chants burlesques), « Les Galets au Tilleul… » ne confine que très rarement au surréalisme, dont il mêle pourtant les ingrédients. Le spectacle trouve de l’extraordinaire dans le quotidien – habile manœuvre -, mais il se clôt tout de même avant de le transcender.