
© Sandrick Mathurin
Avec un titre qui sonne comme le râle affligé du mâle blanc hétéronormé, la reprise du spectacle de Frédérick Gravel, créé à Montréal en 2010, interroge le double désarroi de la masculinité : sa crise systémique, liée à l’attendue impasse des injonctions patriarcales, mais aussi la complexité de son indispensable relecture post metoo. En introduction de cette série d' »études » alignées comme les numéros d’un cabaret déconstructionniste, ce qui est peut-être le meilleur tableau de la série donne le ton : les quatre danseurs, torse nu, en santiags et une bière à la main, se livrent à des contorsions musculeuses délivrant avec une affectation feinte tous les clichés du mâle piégé dans la projection sociale de soi. Décalage parfait que ces images aussi virilistes que kitschs – récupérées avec ironie, dans d’autres circonstances, par l’esthétique gay. Quelques séquences plus loin, c’est une guitare électrique sur fond de boucles électro-rock qui sonne comme le brame de l’homme moderne aussi frustré que désorienté. Mais qu’ils se retrouvent à poil à faire du pole dance ou dans une improbable chorégraphie en costard-cravate, les personnages de Gravel ne sont jamais dans une revendication politique masculiniste délétère : ils tentent d’exister comme ils peuvent, et c’est déjà beaucoup.