Histoire du terrorisme ordinaire

Oussama, ce héros

D.R.

D.R.

Le jeune metteur en scène normand Martin Legros poursuit son exploration des écritures contemporaines – après « Visage de feu », de von Mayenburg – en jetant son dévolu sur la langue violente et sans concession de Dennis Kelly. Les défauts grossiers remarqués dans sa dernière création sont estompés par une meilleure maîtrise des nombreux effets de scénographie qui lui sont chers et une direction d’acteur plus sensible et précise. Mais la malédiction du théâtre contemporain a encore frappé : la fascination pour les belles images prend le pas sur le fond.

Où et de quoi naît le fanatisme ? Comment réagir face à une jeunesse en perte d’idéaux ? Gary, ado un peu paumé, a choisi un héros inattendu, parce qu’« il faut bien croire en quelque chose ». Les habitants de la cité vont voir en lui l’ennemi à abattre et, persuadés de faire taire l’origine du mal, vont devenir bourreaux assoiffés de sang. Dennis Kelly écrit « Oussama, ce héros » dix ans après le 11-Septembre. Il ne s’agit pas pour lui d’écrire pour panser les plaies mais d’un constat à froid, grave et nécessaire. Volontairement provocateur, il y fait la critique du fanatisme contre le fanatisme et interroge la folie ambiante qui voit des terroristes partout, au risque de faire naître chez les bien-pensants une monstruosité purement bête et méchante.

On a malheureusement du mal à croire à cette « humanité de périphérie », ces exclus invisibles que Martin Legros tente de nous dessiner. La traduction française du texte de Kelly y est sans doute pour beaucoup en ce qu’elle masque avec une fadeur frustrante la dureté impulsive de la langue originale. Mais on peut aussi reprocher une lecture trop cérébrale de la part des comédiens, qui peinent à entrer dans l’animalité crasseuse de leurs personnages. Malgré tout, Baptiste Legros, tout en subtilité et en totale présence, séduit immédiatement et devient notre guide. Et on a bien besoin de lui pour traverser ce déballage continu de violence visuelle et sonore au rythme suffocant malgré les pulsations incessantes des basses electro.