Blandine Rinkel, Pierre Jouan et Arthur Navellou, épaulés par leurs amis de Catastrophe, suivent un chemin singulier d’exploration du chaos généré par la mutation du monde en cours. Chemin de traverse, dans les marges, voix de poésie et de chants soulignés par des musiciens nourris à Björk, Yes et Pink Floyd, singulière modernité en opposition rageuse avec ce mot de La Bruyère : « Tout est dit et l’on vient trop tard ».

“La Nuit est encore jeune” démarre par le bug de l’an 2000 que nous avons si simplement oublié. Par la chute des deux tours. Par ce terrain vague au bout du jardin, immensité d’un infini si désirable car interdit, caché et enseveli par les ronciers qui bouchent l’horizon, univers où tous les possibles vont se conjuguer à la portée du désir du premier qui franchira la frontière. Poursuit par l’exploration de nos nuits noires, de nos angoisses d’un futur inconnu et inconnaissable, indicible. Avec en émergence cette joie du désespéré, cette immense lumière de celui qui n’attend rien et espère tout. Humain désormais créateur d’un monde qui change tout le temps. Impermanence.

Cette énergie créatrice, cet élan de vie sont d’une telle sincérité que le cœur est touché, l’abandon est véridique à cette main tendue pour aller explorer encore, aller à la rencontre, vivre sans relâche, utiliser sa fragilité pour approcher en douceur et vérité un réel que nous sommes amenés à penser et à créer. La mise en scène est à l’image de ce moment : plateau envahi par des ballons planètes, chanteurs et musiciens habillés de lumière, lecteurs saisis/avalés par les mots des livres qu’ils brandissent comme des prophètes, cette catastrophe bleutée ouvre des portes d’un demain qui nous est donné à bâtir. Au service de ce sentiment de moment d’exception, souffles retenus, yeux fascinés.

Car, s’il faut retenir quelque chose de ce moment suspendu et magicien, c’est que l’acteur c’est nous, que la pièce, c’est le réel, que les limites que nous percevions ne sont que des conventions désormais effondrées, que la joie n’est plus oubliée ni la pensée optionnelle. A voir, d’urgence. A lire, sans attente. A entendre, en boucle.