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Un western sur un plateau de théâtre, vraiment ? On se demande s’il va y avoir des chevaux, des morts et du whisky, et comment l’équipe va nous enlever du Nouveau Théâtre de Montreuil pour nous propulser au cœur du Far West. Mathieu Bauer joue en effet avec certains codes du genre mais en évacue de nombreux, recréant ainsi un univers qui lui est propre. Pour cela, il déréalise les corps, les voix, impose d’emblée une distance et dévoile sciemment les ficelles. Les acteurs jouent micros et haut-parleurs en main, les tabourets se transforment en chevaux, l’enfant est une marionnette que l’on s’arrache avec violence… Certaines scènes sont même chorégraphiées avec un formalisme déroutant. Ça surprend au départ, mais on finit par y croire. Certes, le parti pris esthétique peut ne pas plaire, mais il a le mérite d’être fort, tranché.

Fidèle à son autre amour qu’est la musique, le metteur en scène est lui-même au plateau, accompagné de ses musiciens. On est encore une fois bluffé par les talents des comédiens du groupe 42 du Théâtre National de Strasbourg qui, en plus d’être de bons interprètes, s’emparent tour à tour du violoncelle, de l’accordéon ou de la flûte traversière. On est notamment enchanté par la voix d’Emma Liégeois qui ouvre le bal et nous plonge dans une atmosphère à la Tim Burton. Morceaux et chants ponctuent le rythme de la pièce, et lui donnent un petit côté comédie musicale. Au même titre que dans un film, la bande son est omniprésente. Car ce que Mathieu Bauer a cherché à reproduire, c’est à la fois la dimension épique du western, et un certain réalisme propre cinéma.

Pourquoi monter ce spectacle aujourd’hui ? C’est peut-être ce qui pose le plus question face à ce projet. Le metteur en scène s’est amusé, sans autre justification que celle d’aimer ça, les histoires de cow-boys : mais après tout, peut-être que cela suffit. Ce qui est certain, c’est que les jeunes spectateurs dans la salle ne bougent pas d’un millimètre, obnubilés par les bandits qui s’affrontent sous leurs yeux. En plein dans le mille.