Jours étranges

Les Idoles

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On se souvient surtout de « Nouveau roman », qui avait déjà convoqué nos fantômes littéraires dans les nuits blanches des cours avignonnaises en 2012. Car même si « Fin de l’histoire » avait tout autant marqué nos esprits, ce nouvel opus de Christophe Honoré se calque volontiers sur le premier, reprenant les mêmes stratagèmes qui rendent ces œuvres-hommages si attachantes. Cette nouvelle bande de héros morts, nous les aimions déjà, nous les connaissons bien, ils font tous partie de notre panthéon culturel, et nous naviguons avec leurs travaux sur les scènes, les pages et les écrans qui nous font la vie plus belle. Il y a quelque chose d’hagiographique qui respire dans cette mise en scène, tout y est passé par le prisme de l’admiration presque adolescente que l’on cultive toute sa vie pour ceux qui y ont allumé la flamme. L’anecdote livrée par la voix d’Honoré en incipit dit déjà tout, mais les (non-)questions soulevées par ces intellectuels séropositifs, leur façon différente de vivre la maladie, d’en parler et de se battre demeurent à la surface. On effleure, on soulève les coins, mais les débats restent en plan, évacués par des pirouettes ou par les quelques très belles images qui meurent, elles aussi, trop vite (les claquettes devant l’enceinte, les pastèques de la scène finale…). Peut-être que l’intimité trop à vif avec son sujet a restreint le geste du metteur en scène ou que l’intention d’en faire un spectacle pour tous l’a poussé à arrondir et à lisser le tranchant ? Reste une distribution prodigieuse ; Marlène Saldana sait comme personne balancer sa puissance et sa folie et donne à Jacques Demy une ambiguïté réjouissante, Marina Foïs offre sa voix à Hervé Guibert qui pleure son ami Foucault, et les garçons tous drôles, magnifiques et investis portent fièrement les costumes de ces idoles déchues.