L’émotion-Manset

On voudrait revivre

(c) Félix Taulelle

Avec une poésie et une légèreté sans pareilles, Chloé Brugnon, Maxime Kerzanet et Léopoldine Hummel (connue aussi sous le nom de Léopoldine HH) nous emmènent sur les traces de Gérard Manset, chanteur français des années soixante-dix.

S’emparant de ses textes et chansons, les deux comédiens-musiciens alternent moments chantés en live et reenactment d’interviews réalisées par l’artiste. Sans s’embarrasser de la vraisemblance, ils incarnent avec humour un « Gérard » à l’identité fluide, passant de l’un à l’autre comme pour signifier la vaine tentative de saisir autre chose du chanteur que ce qu’il a à nous dire. Bien loin du biopic donc – que Manset n’aurait certainement pas apprécié, vu le mystère entourant le personnage –, « On voudrait revivre » apparaît plutôt comme une variation sur l’inspiration que peut provoquer un artiste chez d’autres artistes (Manset a d’ailleurs été découvert par Chloé Brugnon dans la dernière séquence du film de Leos Carax, « Holy Motors »).

Car tous semblent avoir été portés par l’émotion-Manset, jusqu’à la scénographie qui fonctionne comme un écrin rêvé pour des chansons, mêlant références nostalgiques aux studios d’enregistrement des années soixante-dix et univers onirique fait d’animaux et de costumes à paillettes. Le geste d’appropriation prend dès lors tout son sens, comme un souffle ; une inspiration prise chez « Gérard », une expiration vers le public, qui reviendrait alors à l’inspiration initiale… De Carax à Manset, de Manset à Léopoldine Hummel et Maxime Kerzanet, d’eux à Chloé Brugnon, comme un hommage infini. De Manset lui-même, vous l’aurez compris, nous ne saurons pas grand-chose ; mais nous ferons nôtre la beauté de certaines de ses paroles portées avec une joie visible par les deux interprètes en scène, et plus encore, avec une générosité sensible. Et si « on voudrait revivre ça signifie on voudrait vivre encore la même chose », rarement jeune spectacle aura si bien porté son titre !