La vie est un rêve de Pedro Calderòn de la Barca, MES Jean-Yves Ruf © Jean-Louis Fernandez

La vie est un rêve de Pedro Calderòn de la Barca, MES Jean-Yves Ruf © Jean-Louis Fernandez

Au Théâtre du Peuple de Bussang, le spectacle dit de l’après-midi, qui mêle comédiens amateurs et professionnels, fait figure d’institution. Jean-Yves Ruf met cette année en scène “La vie est un rêve” de Pedro Calderòn de la Barca (dans la traduction de Denise Laroutis).

Peut-être l’auteur espagnol est-il – injustement – moins connu du public français que d’autres plus illustres du 17e. C’est donc une belle idée que de présenter cet auteur du « siècle d’or » au Théâtre du Peuple : on est là en plein dans la mission initiatrice que l’institution s’est donnée.

De cette pièce baroque, qui mêle malicieusement le comique et le tragique, l’épique et le quasi vaudevillesque, qu’a fait Jean-Yves Ruf ? Il a très justement recherché à ne renoncer à aucun des plaisirs recelés par le texte : il a autant porté haut le verbe et les morceaux de bravoure, qu’exploité à fond les intermèdes bouffons. L’accueil de la salle, qui réagit très spontanément, est l’hommage rendu à cet intelligente lecture.

Jean-Yves Ruf cède aux sirènes de l’architecture du lieu, et n’esquive ni les multiples entrées par le public, ni l’incontournable ouverture du mur au lointain pour dévoiler la forêt qui s’ouvre derrière. Au moins le fait-il à bon escient, aux moments les plus épiques de la pièce. Mérite de ce choix : relever que les forces de la résistance, l’inventivité bouillonnante et indocile du peuple, ont leur siège au-delà des murs, et n’en existent pas moins pour être invisibles au public.

La scénographie d’Aurélie Thomas, discrète et végétale, amplifie le caractère intemporel du propos, en conférant au tout un aspect précaire, à mi-chemin entre règne naturel et ruines humaines. Toute l’énergie – mais elle est considérable – de la scénographie se concentre dans deux immenses statues de Pégases disposées dans la diagonale, gagnées par le lierre et la mousse. Comme un symbole de l’éternel passage des civilisations, bien sûr ; mais aussi comme un rappel de la puissance créatrice du rêve et de l’art, et de l’idée que le théâtre s’inscrit dans la grande fresque des Mythes qui nous structurent.

De cette pièce aux accents shakespeariens, on ressort charmé et amusé. Le parti pris étant de mêler sur scène amateurs et professionnels, on ne peut commenter le jeu sans en tenir compte : globalement, cela force un peu, mais le texte passe bien, ce qui est l’essentiel, et jamais les inégalités entre interprètes ne gâtent le plaisir de suivre la pièce. C’est une proposition théâtrale sans fioritures, généreuse sans être putassière, qui met en valeur une pièce intelligente dont les thématiques qui n’ont pas perdu de leur actualité : du bel œuvre !