Du noir primordial, la horde fait advenir un feu. La flamme vacillante prend progressivement confiance et devient à la fois le point focal et la vergence du spectacle. Le modelé pictural des apparitions créé par la chorégraphe Nicole Seiler est à apprécier en corrélation intime avec le travail incroyablement précis du son (agencé avec maestria par Stéphane Vecchione), qui, par sa seule présence, transforme cette proposition en pèlerinage orphique. Les sept danseurs tentent d’apprivoiser l’espace, arène circulaire vierge de toute trace, comme si jamais explorée avant, sans pourtant exposer une volonté de conquête. Il semble plus pertinent d’imaginer les interactions de ces corps colorés comme une inclination au collectif. Ensemble, il sera possible de bâtir une civilisation ou une idée ; grâce à l’investissement de chacun et à la mise en commun des forces, c’est bien à la naissance d’une communauté nouvelle que nous assistons. Maladroite, branlante, brouillonne mais animée d’une aspiration. Et c’est grâce aux souffles et aux cris qui eux aussi ne cessent de chercher à se mêler que la partition scénique prend forme. Quand les mots font défaut, les râles aboutissent aux chants, et un nouveau mode de communication s’élabore. Car si le spectacle peine à trouver son rythme et souffre de laps de temps distendus, il est manifeste, quand on regarde ces corps évoluer en symbiose, que des expressions uniques peuvent créer un unisson sans dissoudre leurs singularités. Qu’il est appréciable aussi de permettre à un public de projeter son imaginaire sans cloison, de le laisser divaguer dans cette succession d’images qui offrent pléthore d’interprétations ; comme les danseurs, nous errons, un peu perdus parfois, sans grandes émotions qui nous traversent mais sans guide pour nous manipuler l’esprit. L’expérience de la liberté que vit alors le spectateur en regard de celle qu’exprime le danseur est inconfortable mais à plébisciter.
Cris et chuchotements
The Rest Is Silence