Poisse de démon

La Possession

© Samuel Rubio

Dans « La Possession », François Xavier-Rouyer, à l’écriture et à la mise en scène, glisse un motif fantastique – des humains capables de posséder ce qui les entoure – dans un univers psychologique, avec un accent presque social. Soit une jeune dépressive, qui avait pas si mal débuté pourtant (sympathiques études, un endroit où vivre), mais qui se retrouve subitement lacérée par le sort. Des malheurs de petit-bourgeois, il faut s’entendre : les courses qui tombent dans la rue, et il pleut, et où est-ce que j’ai encore fichu ma clé d’appartement ? À force d’accidents de parcours et de santé (panaris, eczéma, etc.), elle finit par se réfugier dans une sorte de taudis près de la mer : la vie est trop dure pour le personnage, en somme assez ridicule… Mais alors qu’elle disparaît à petit feu, la voilà approchée par un mystérieux motard (Romain Daroles) qui l’aide à découvrir la vérité qui l’habite. Car une chose en elle lui veut du mal et la manipule : voilà pourquoi elle a la poisse. Impossible de la chasser ; mais coup de bol : la protagoniste peut se chasser elle-même… Elle a le don d’exister dans d’autres êtres (plante, chaise, animal, et, au bout de la chaîne, d’autres humains également) : peut-être pourra-t-elle, finalement, s’extraire de son profond mal-être.

« La Possession » donne l’étrange sensation d’être un film de genre dans un film d’auteur (mais au théâtre). Car le transfert de soi, un motif que l’on retrouve dans la science-fiction et dans le cinéma d’horreur (démons et esprits à exorciser, virus xénomorphes…), est utilisé à des fins particulièrement identificatoires : explorer sa psyché et ses névroses. Si les motivations du démon sont obscures par essence (pourquoi désire-t-il posséder ?), celles de la protagoniste, elles, sont particulièrement claires… Posséder pour devenir une autre : une bobo n + 1 en l’occurrence, on ne change pas une équipe qui perd. Si elle manque encore de force dramatique et visuelle, la proposition de Rouyer, qui hybride deux genres hétéroclites, reste pour le moins étonnante et réjouissante dans le paysage théâtral.