(c) Kinga Michalska

Clara Furey a bien choisi son nom. Sur le plateau nu des Ateliers de Paris, trois danseurs, telles trois unités du tremblement, laissent monter la fureur. La scène ressemble à une mer de mercure, plate et immobile, sans que s’y propage toutefois la moindre onde de tranquillité. Ne pas se fier aux enveloppantes lumières, ni au ton calme d’une universitaire dont une vidéo projette, au début du spectacle, de sérieuses analyses dont on a un peu oublié le propos – le délitement du cosmos peut-être ? la nécessité d’en prendre soin ? Le progressif lâcher d’énergie des danseurs a en effet aspiré notre attention vers quelque chose de beaucoup plus physique, transformant ce début cérébral en contrepoint à piétiner. « Dog rising » : élever les chiens. Comprendre : non pas les éduquer (c’est-à-dire les domestiquer), au contraire, déchaîner en eux toutes les forces, laisser émerger les les puls(at)ions réprimées, libérer ce qui se contient. L’acharnement des danseurs, sans cesse en mouvement pendant l’heure de performance, évoque ce qui perdure autant que ce qui s’épuise. Les corps sont nerveux, à ce point indécis de la répétition où l’on ne sait plus si celle-ci libère ou enferme ; devant nous, des automates en train de devenir vivants, ou bien l’inverse. L’électro inquiète qui les accompagne évoque des barrissements d’éléphants dans une cage, sans doute en train d’en défoncer les barreaux. Clara Furey explique avoir voulu travailler sur la conduction osseuse, cette manière d’entendre par les os, s’intéressant à la façon dont les chocs vibratoires ne brisent pas mais renforcent ceux qui les subissent. En ne s’interrompant jamais, les boucles lancinantes de « Dog rising » composent le lieu spiralé où épuiser et galvaniser le corps revient au-même.