Il y a dans les jeux de l’enfance une symbiose avec soi-même, son espace et autrui qui est égale à nulle autre. Un geste de l’âme à l’âme, un flot d’énergie pure. Voilà de quoi est tressé « Horses », sublime chorégraphie de la troupe flamande kabinet k, qui ne s’enferme dans aucun schéma de danse clos, mais plutôt projette un jeu ininterrompu de moments simples, de flux et de reflux des corps, en parfaite harmonie les uns avec les autres. Une suite d’expérimentations aussi sérieuses que légères. Une bulle de bonheur.
La proposition de Joke Laureyns et Kwint Manshoven, quoique effectuée en apparence presque sans effort, trahit un travail acharné. Sur un plateau dénudé, quatre corps d’enfants et quatre corps d’adultes s’entremêlent avec innocence, comme si le cours quasi ininterrompu du mouvement était une évidence simple, vitale. La ronde de leurs jeux n’a jamais l’aspect d’un exercice artificiel, forcé, mais relève au contraire d’un effet presque brut. Les êtres se cherchent inlassablement, et de ce contact nourri naît très naturellement un enchaînement de moments divers, souvent très simples. La troupe s’essaie à plusieurs combinaisons ayant parfois l’air de quasi-saynètes de vie. Le rapport entre adultes et enfants s’estompe facilement et dessine plutôt une logique souple d’échanges, évoluant sans cesse ; les uns venant au secours des autres, titillant, portant, réconfortant, appelant, tournoyant, s’élançant entre les différentes parts de cet octuor, fondamentalement reliées les unes aux autres par des émotions simples et la permanence du jeu.
Pour rythmer cette infatigable meute, la partition musicale signée Thomas Devos et Bertel Schollaert résonne somptueusement, travaillant les couleurs d’un saxophone et d’une guitare électrique – auxquels s’ajoute ponctuellement la voix – avec brio, jusque dans des extrêmes saisissants. Cet habillement sonore vient toujours à point, laissant aussi vibrer des instants de silence purs, où seule la beauté naïve des corps s’exprime avec force. À d’autres moments, il décuple la force ludique de la chorégraphie ou sa charge émotionnelle, qui entre férocement en contact, au plus profond d’entre nous, avec un réflexe presque animal. Un besoin impétueux d’irradier aussi fort que les huit êtres qui parcourent la scène et en transpercent le volume.
Pendant cette heure qui paraît bien courte, la troupe des huit êtres condense et déploie un geste qui ne se termine jamais tout à fait mais se transforme inlassablement, donnant naissance à une myriade de mouvements colorés, de chocs et de balancements. C’est une recherche sur le fil entre dépassement de soi et geste candide qui fait mouche. L’alchimie prend instantanément et fascine par la simplicité de l’idée qui la meut et la beauté qui retentit, comme un simple éclat de rire.