© Orpheas Emirzas

© Orpheas Emirzas

On est allés voir “The Ghost of Montpellier Meets the Samurai”, la nouvelle pièce chorégraphique de Trajal Harrell, sans en savoir grand-chose, les yeux grands ouverts et avec une forte envie d’être surpris, embarqués, bref, conquis. Surprise il y eut, mais pas dans le bon sens du terme. On est habitués à ce que la danse contemporaine n’aime pas trop la littéralité et s’épanouisse dans l’abstrait, voire l’abscons. Ici, bien sûr, on ne verra ni samouraï ni fantôme, et pour dire les choses franchement, de danse on n’en verra pas beaucoup non plus. On n’en verra même pas du tout pendant la première demie heure de spectacle, prologue bavard, mollement politique option bons sentiments (oui, il y a des coupes dans les budgets culturels un peu partout ; oui, c’est très préoccupant), se terminant par la participation forcée d’un pauvre hère dont le nom fut tiré au sort, ce qui n’est pas sans rappeler les pires heures du racolage scénique à la Vincent Macaigne, et qui repartira en emportant un coussin et avouant « comme ça je pourrai dormir». Parlant…

Un compte à rebours, tenu par Trajal Harrell lui-même, et promettant la danse dans vingt-deux, seize, neuf minutes, est trompeur. Le spectateur espère, attend, frémit lorsqu’enfin deux danseurs esquissent quelques mouvements de bras, au demeurant fort gracieux. Las, la danse telle que nous y ont habitués Sidi Larbi Cherkaoui ou Akram Khan s’arrête net. Place au voguing, cette danse popularisée par Madonna dans une de ses meilleures chansons des 90s, rigolo les cinq premières minutes, éprouvant les trente autres, le tout sur un mix de tubes allant de Beyoncé à Rihanna, à la mode, donc déjà daté. Dans un défilé gentiment foutraque, les danseurs prennent place les uns à la suite des autres sur de petits promontoires, et remuent, parfois en rythme, parfois pas, un peu comme vous quand il est trois heures du matin et que vous faites honte à vos copines moins saoules que vous. Il est important, si ce n’est vital, que des voix discordantes s’élèvent. Encore faut-il que ces voix aient quelque chose à dire.