Cheveux au vent is the new SM

Juliette et Justine, le vice et la vertu

Isabelle Huppert - (c) Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon

Isabelle Huppert – (c) Christophe Raynaud de Lage


D’accord, côté grands noms, il y a Ostermeier, Castellucci et Nicolas Briançon (!). Mais il y a Huppert surtout. Et Isabelle, elle, elle peut se passer de tous les autres noms. Son nom est encore plus grand. Voilà. Un seul soir, dans la Cour d’honneur – évidemment – et une lecture de Sade. Pas de Melquiot, ou de Mergault, non, Isa tape au sommet ! Elle lit Sade, que Raphaël Enthoven fait descendre de son château de Lacoste dans un assemblage d’extraits savamment travaillé de « Justine ou les Malheurs de la vertu » et de « Juliette ou les Prospérités du vice ». Belle réussite que cette recomposition resserrée des longs textes du marquis, en faisant ressortir brillamment l’essence et l’ambiguïté.

Isa a vingt ans, elle est Justine et Juliette. Ah oui, vous n’êtes pas au courant : on dit « Isa »… ou « Zaza » si vous êtes encore plus accro. Car ce jeudi soir, dans la salle, c’est un cortège d’acquis à la cause de la grande dame qui communie. Pour preuve, le silence impressionnant qui règne dans les gradins pendant les longues minutes qui précèdent l’arrivée (tardive) de la star sur scène. Mon voisin me souffle : « Ils sont entrés en religion. »

Et le combat commence.

Il faudra à la comédienne le courage de tenir presque 1 h 30 de lutte contre le vent : bourrasques soufflant les feuilles de son texte, balayant la robe rouge Sade (oui, Isa va lancer une mode), ébouriffant la digne coiffure. La pauvre se débat avec sa veste… Rien n’empêche pourtant Huppert d’interpréter les deux personnages – parfois à la limite du surjeu, on ne se refait pas – dans une lecture qui sera réussie : la preuve en est qu’on ne verra pas le temps passer.

Curieux exercice de sadisme réciproque : celui d’un public, assis, capuche et couverture possibles, qui regarde satisfait Isa souffrir et ne jamais fléchir. Et celui d’Huppert, qui fait du public une masse tremblante, palpitante à la fragilité de la scène à laquelle il assiste : Zaza tiendra-t-elle, ou le vent aura-t-il raison d’elle ?

Intolérable souffrance de la compassion : il nous faudra vite apprendre de Juliette !