Des contrastes qui tuent

Haine des femmes

D.R.

D.R.

On l’aime. On l’a vue au OFF l’an dernier, dans « La Vie sans fards ». Astrid Bayiha est de celles qui savent conter des vies frontalement, mais avec un naturel brillant. Avec talent, elle incarne ici Rahmouna Salah, témoin et victime de la nuit du 13 juillet 2001, où, à Hassi Messaoud, dans le Sahara algérien, une centaine de femmes furent agressées violemment par des bandes d’hommes. Elle raconte au présent sa jeunesse, puis ses mariages, avec Mourad, puis Fayçal. Chance : les hommes de l’histoire sont joués par l’excellent Hammou Graïa. Qui passe du bonhomme au méprisant avec un souffle allègre. Et ne perd jamais en route l’humanité de ces figures. On suit la confrontation entre ces deux forces en présence au plateau. Plusieurs fois, Rahmouna quitte ses maris, car leurs exigences sont trop dures, et l’écrasent. Elle croit trouver un Éden à Hassi Messaoud, où beaucoup de femmes viennent faire des travaux mieux payés. Trop de femmes : la tension monte, dans l’espace public de cette ville…

Si le récit de « Haine des femmes » nous captive, il ne nous laisse hélas pas vraiment, à la fin, face à des pistes de réflexion. On aurait voulu plus de mise en perspective. L’ouvrage transposé, « Laissées pour mortes », de Nadia Kaci, aurait pu s’associer à des questions sur l’Algérie d’aujourd’hui, ses évolutions… Et le titre du spectacle aurait été plus justifié, car plus ouvert… Mais il y a l’opposition des tons. Dans le récit, l’horreur intervient après des scènes solaires. « Trop solaires ? » se dit le critique… Non, car elles donnent leur chance aux personnages présentés. Des hommes avec leur culture, qui seront échauffés, dans la ville, par un imam virulent. Du souffle, et une absence de manichéisme : oui, on se laisse porter.