Éloge du rien à la mode flamande

Onomatopée

(c) Sanne Peper

(c) Sanne Peper

Cinq formidables comédiens issus de différentes compagnies belges et néerlandaises de premier plan s’imposent dans un « non-spectacle » flamand génialement déglingué. Donnée au théâtre de la Bastille, leur proposition transgressive et jubilatoire réduit la représentation théâtrale comme peau de chagrin. Une attitude délibérément joueuse et provocatrice les pousse à déjouer sans complexe et avec un humour poil à gratter les attentes des spectateurs en ne proposant qu’une performance de rien, sur rien et avec rien. Cela se passe dans le décor exsangue d’une arrière-salle de bistrot. Nos énergumènes sont assis en tenue de garçon de café, clope au bec. Ils bavardent, confusément, devisent sur bien peu de chose et à satiété.

« Onomatopée » est une étonnante création collective, apparemment complètement désordonnée et pourtant très maîtrisée. Les artistes ont l’habileté de ne pas être trop velléitaires, comme le sont d’autres agitateurs français de leur trempe du style Perez et Boussiron. Quand ces derniers passent en force, les Flamands sont toujours en creux, sur le fil, ne cherchant jamais l’effet gratuit. Ils jouent très bien ensemble, dans l’écoute et à l’unisson, tels les instruments virtuoses d’un orchestre. Le concert qu’ils donnent de chants et cris d’oiseaux est d’ailleurs un moment magique.

C’est drôle, malin, brillamment anarchique. Cela risque d’en désappointer certains mais aussi d’en faire réfléchir. Car derrière un goût exquis et insolent de la déconstruction, du saccage, au sens propre comme au sens figuré, le spectacle démasque l’air de rien la réelle et terrible vacuité d’un théâtre prétendument consistant, efficace, figé et ficelé, qui ne repose que sur le remplissage et l’épate. Le leur est tout l’inverse : latent, aléatoire et distancié. C’est ce qui le rend si bon et vivant.