Encres mêlées de solitude

Désertion (Jour 0)

Photo D.R.

Photo D.R.

L’homme est allongé torse nu, sur un matelas à même le sol, les bras en croix. Une figure christique enfermée dans une chambre sordide. On ressent la chaleur qui doit régner dans ce lieu, on partage son étouffement, l’angoisse de cet enfermement. Hors champ, une voix à la sonorité grave nous livre des confidences comme extraites d’un journal intime. Ce n’est que bien plus tard que l’homme en scène se mettra à parler lui aussi.

Le récit est un peu abstrait de prime abord. Deux voix qui se mêlent pour deux textes, écrits en parallèle lors d’un voyage au Proche-Orient, entre Israël et les territoires occupés. L’un, issu de la plume de Julien Allouf, raconte une fuite, un exil à Tel Aviv, probablement lié à un amour contrarié : c’est « Jour 0 ». L’autre, « Désertion », écrit par Clément Bondu sur le modèle de la Genèse, nous conte les six premiers jours du monde. Une version dans laquelle Dieu, totalement abattu, ne crée rien du tout. Point commun de ces deux récits : le désespoir et le vide de l’existence. Une vision désabusée du monde livrée sur fond de musique rock – jouée en live – renforçant encore cette sensation de désespoir.

C’est sombre, très sombre ! On est déstabilisé par cette forme théâtrale peu ordinaire. Est-ce un récit, un concert de rock, un spectacle musical ? Qu’importe, la fascination s’empare de nous au final. Les mots, soigneusement choisis, sonnent juste et trouvent un écho en nous. Le tempo et la diction de Clément Bondu, ses gestes lents et saccadés derrière son micro au milieu de la scène ont un effet hypnotique. « Désertion (Jour 0) » résonne comme un cri de douleur, un appel au secours, mais s’achève toutefois sur une note d’espérance.