Je n’achète pas !

La Cerisaie

(c) Koen Broos

(c) Koen Broos

Eh bien non, je ne « marche » pas ! Qu’on monte aujourd’hui « La Cerisaie » « en ne jouant pas la Russie d’il y a cent ans », pourquoi pas (et encore, quoique) ? Qu’on mise sur de jeunes acteurs, l’intention est louable (faudrait-il toutefois qu’ils soient bons !). Qu’on fasse un théâtre qui s’interroge sur l’illusion, qui abolisse le quatrième mur, soit (même si aujourd’hui c’est une très vieille tarte à la crème) !… Mais pour quel résultat ? Je serais, je l’avoue, très curieux de savoir ce qu’un spectateur n’ayant jamais vu la pièce auparavant pourrait en restituer, parce que vraiment, ça part dans tous les sens – ce qui est logique quand on prône l’absence de metteur en scène et le refus de s’harmoniser –, et rarement dans le bon ! On est en présence d’un agrégat de talents (et de non-talents hélas) ! Tout cela tire à hue et à dia, et Tchekhov – et toute sa subtilité – passe à la trappe.

Je voudrais qu’on m’explique – et ce n’est qu’un exemple –pourquoi Lioubov apparaît vêtue comme si elle allait faire ses courses un samedi après-midi chez Auchan. Parce que franchement, là, on est en plein contresens ! A-t-on vraiment besoin de cela pour qu’on perçoive que « La Cerisaie » est à la fois comique et pathétique ? Faut-il à ce point forcer le trait pour qu’on en ressente tout le burlesque et la douce tristesse ? Un des comédiens troque à un moment un costume contre un autre, à vue. Il se tourne alors vers la salle et, s’adressant aux spectateurs, nous dit (je cite de mémoire) : « Non mais n’ayez pas peur, c’est parce que là, je change de personnage. » Ah bon, vraiment ?! Pauvre Tchekhov !

Cette « Cerisaie »-là ne s’adresse pas plus à ceux qui ne la connaissent pas (voir infra) qu’à ceux qui la connaissent ; car bien avant qu’elle soit vendue, elle a déjà perdu ce qui faisait sa valeur. Mon voisin de droite, qui a dormi pendant la moitié de la représentation, s’est brusquement réveillé au moment des saluts et a applaudi à tout rompre… De qui se moque-t-on ?