L’adage démonté

À petites pierres

La compagnie guyanaise Ks et Co monte la pièce du Togolais Gustave Akakpo « À petites pierres » à la chapelle du Verbe-Incarné. Le texte s’inspire d’un fait divers qui avait marqué la société nigériane en 2002 : la condamnation à mort par lapidation d’Amina Lawal, pour avoir donné naissance à un enfant plus de neuf mois après son divorce. Mais loin de la charge droits-de-l’hommiste attendue, « À petites pierres » livre une farce tragicomique où les gardiens de la tradition et la domination masculine sont mis à mal, voire mis au défi.

Sur scène, l’aire de jeu est cernée par des murailles derrière lesquelles d’hypocrites guetteurs et marabouteurs, gardiens de la loi coutumière, épient les jeunes amours du village. Dans cet espace clos circule une parole en perpétuelle mutation. La parole, écrasante, des chefs religieux et des notables, la parole, figée et impuissante, du réservoir proverbial, et enfin la parole contenue dans les fulgurances poétiques pour dire une extrême violence.

Cette dramaturgie de l’oralité fait le sel du spectacle, soutenue par des ressorts comiques efficacement portés par le duo formé par Kimmy Amiemba et Grégory Alexander. Des quiproquos à la Beaumarchais en cascade, une langue-viande où résonne l’héritage du Congolais Sony Labou Tansi, et des joutes verbales mémorables à mi-chemin entre la palabre traditionnelle et le soap opera ivoirien « Les Guignols d’Abidjan ».

Comme dans « Chiche l’Afrique », seul en scène de Gustave Akakpo, l’épilogue rompt avec le ton farcesque pour livrer une « leçon » à la manière du théâtre forum. On retiendra davantage l’invitation à démonter l’adage « En Afrique, un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle » (Amadou Hampâté Bâ).