« Le Full Art » est le sketch ultime, le spectacle d’un spectacle (de clown) raté. Lucy Hopkins ne représente rien, elle (se) donne à voir. Sa question a le bout du bec beckettien : comment (en) finir ?
D’abord joué en anglais – Lucy Hopkins ne nous permet jamais d’oublier qu’elle est British –, gros succès en Grande-Bretagne et dans plusieurs pays du monde, primé plusieurs fois, ce spectacle minimaliste (le presque rien qui fait tout) a été adapté en français à l’occasion d’une résidence en Suisse avec Paul Patin. Formée au clown à l’école Lecoq, elle présente son spectacle à Avignon pour la première fois.
Lucy H. est seule en scène ; en fait non, elles sont quatre à se battre pour exister à travers elle. Elle est clown ; mais elle démonte son numéro, allant même jusqu’à se démaquiller peu avant la fin. Elle se débarrasse ainsi progressivement des oripeaux du clown et du seul en scène, s’interroge sur le sens de sa présence ici, devant les spectateurs – « J’annule le spectacle ! » – et revient sur les éléments essentiels qui conditionnent sa présence dans l’ici-maintenant de la représentation : solitude, incertitude, troubles. Mais jamais sinistre ou psychologisant : toujours « pour rire ». Pas de flamboyance ni de couleurs éclatantes, un foulard noir, un tutu et des jeux de lumière sont ses seules armes dramaturgiques. Mais son corps, son corps surtout, corps maigre, blanc, désarticulé, son visage dont la précision des mimiques touche au masque, sa gestuelle extrêmement maîtrisée dans l’incertain. Comment en sortir ? C’est un sketch sans fin, sans but. Un gag dérisoire. Mais si on rit à gorge déployée, on avale en passant quelques « méduses » : caricature des prétentions de l’artiste, mépris du public versus besoin excessif de son regard pour exister, absurdité de la Création d’Art sont quelques-uns des fils qu’elle traîne au passage, et ça pique – au sens plaisant du terme. Excellente et vitale décompression au cœur du Festivâââl d’Âââvignon !