Martin-Salvan, roi !

Ubu

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(c) Christophe Raynaud de Lage

C’est presque la fin du festival et je suis à deux doigts de devenir un serial killer de cigales, mais bon ! Prenons la voiture et roulons voir le spectacle itinérant du IN à Vacqueyras.

Jarry mêle dans cette farce narrant la montée en puissance d’une dictature provocation, absurde, parodie et humour gras. Et ce n’est pas Martin-Salvan et sa troupe qui vont le trahir : une merveille !

Dans un décor de gymnase en extérieur (les Dentelles de Montmirail à portée de vue), nous assistons à une accession au pouvoir grand-guignolesque et sanglante sur fond de compétition sportive. Décidément, dans ce monde où les nouveaux dictateurs et les transferts footballistiques font la une des quotidiens et des journaux télévisés, gageons qu’Alfred Jarry va vite (re)devenir « à la mode de chez nous » ! On rit beaucoup de nous-mêmes, et c’est aussi la grande force du théâtre que de nous tendre ses miroirs ; c’est un rire franc mais embarrassé, gêné. Car oui, c’est bien nous qui sommes représentés là, à la fois cupides, lâches, pleutres et j’en passe ; pas beaucoup de place en effet dans ce texte et sa lecture par la troupe pour les bons sentiments. C’est cynique, à l’image de notre monde, mais rions ! Ne serait-ce que pour conjurer le mauvais sort, le retour des temps obscurs, ces sales bruits avant-coureurs.

Tout est parfait dans cette approche d’un des précurseurs du mouvement surréaliste et du théâtre de l’absurde. La distribution mène la représentation à un rythme effréné, au pas de course, avec une belle générosité. Pas étonnant qu’Olivier M.-S. ait fait ses classes avec entre autres Jean Bellorini. Comme lui, il fédère et emmène sa troupe. L’adaptation du texte est concise (une heure messieurs dames !), acérée : un beau match ma foi !

Un spectateur agacé par les rires et les applaudissements nourris m’a interpellé pour me demander pourquoi cela m’avait tant plu. J’ai répondu : « “Le Dictateur” de Chaplin, ça m’a fait rire aussi… Pas vous ? »