Né sous une jaune étoile

W/Perec

W Perec

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Quatre hommes dans une gare se rencontrent. Quatre hommes dont, peu à peu, nous comprenons qu’ils ne sont qu’un seul et même individu, à différents âges de sa vie : l’auteur, Georges Perec.

Que font-ils là, ces quatre hommes ? En apparence, ils cherchent un jeune garçon disparu : un certain Gaspard Winckler, dont on aurait perdu la trace dans l’île de W.

Mais ce n’est pas si clair justement, parce que, insidieusement, la figure de l’enfant recherché s’estompe…

Il n’y a plus que W et ces quatre hommes, qui, ne l’oublions pas, ne sont qu’un…

Le spectacle commence par ces mots : « Je n’ai pas de souvenirs d’enfance… » Il faut se méfier des gens qui, prétendument, n’ont pas de souvenirs d’enfance. On pense à Barbara, qui disait curieusement la même chose dans ses interviews, tout en chantant : « Car parmi tous les souvenirs / Ceux de l’enfance sont les pires / Ceux de l’enfance nous déchirent… » Perec a perdu sa mère quand il avait quatre ans. Elle a disparu en fumée, littéralement, dans une petite ville de Pologne qui restera comme l’un des épicentres de l’abomination au xxe siècle. Là ou le gaz part !… Le Gaspard ?! Tiens, tiens !…

Et puis il y a W. En apparence là encore, c’est un paradis. Mais très vite l’utopie se dégrade pour n’être plus qu’un cauchemar, le lieu même de l’humanité abolie, un endroit qui ressemblerait furieusement à… à Auschwitz !

Ce que nous proposent Marie Guyonnet et les quatre comédiens qu’elle met en scène est à la fois l’histoire d’une réalisation, celle de l’auteur, et l’histoire d’une dénonciation, celle du mal radical.

C’est ambitieux, complexe, difficile. Au tout début, il y a un peu de flottement…

Ill faut cependant absolument voir « W », parce que tout en douceur (si l’on peut parler de douceur ici) ce spectacle parvient à son but.

Et c’est aussi pour cela qu’on va au théâtre.