Rage aux poings

Raging Bull

ragingbull_11©leclerc&cielat« Cet enfant des taudis du Bronx a dû se battre toute sa vie à coups de poing » (note d’intention). Ce spectacle mis en scène et interprété par Mathieu Létuvé, tiré de l’autobiographie de Jake LaMotta, égrène les phrases chocs. La continuité entre la rue et le ring, la boxe comme éternel combat pour survivre, les souffrances endurées et la rage, les devises célébrant le code du boxeur sont assenées tout au long du spectacle et ont un étrange goût de déjà-vu. Justement, le spectacle s’appelle « Raging Bull », comme l’autobiographie du boxeur américain et le film de Scorsese. Mais alors, quoi de nouveau ? Il semblerait que la « nouveauté » réside entièrement dans le fait qu’on ait ici fidèlement adapté le livre et le film pour le théâtre. Le dispositif est cinématographique : écrans multiples, jeux de champ/hors-champ, projection de légendes écrites (titres de chapitres et noms de lieux), éclairages, musique hip-hop catalyseuse d’émotion, tous les composants du cinéma et de la série télé sont réappropriés. De même, les morceaux choisis du livre de LaMotta sont fidèlement récités, avec le « bon ton », monologue froid d’un forcené. À cela s’ajoute la danse hip-hop, strictement illustrative du propos (cornes de taureau, choré baston, choré combat, choré victoire, choré désespoir). Beaucoup apprécieront cette fidélité. Je reste quant à moi de marbre. Les tremblements du boxeur, la grâce, la souplesse, une amplitude ou une échappée du sens m’ont manqué. « Rage aux poings », bourrin, viril, sexy, oui, mais le tout reste univoque et prisonnier des deux scénarios types à l’américaine dont l’arrogance et l’autosatisfaction me tuent : 1) la success story : petit gars devenu champion ; 2) le récit rédempteur : un héros terrible (traître, violeur, meurtrier) justifié par ses blessures d’enfance et obtenant finalement le rachat grâce à sa « confession », dont nous sommes juges et parties (« Les gens comprendront »). Non merci, je ne vais pas au théâtre pour ça.