La « première fois », c’est un tabou au Festival d’Avignon. Le « premier Castellucci », le « premier Ostermeier » ou le « premier Nordey ». Dire que c’est la première fois, c’est dire qu’on ne connaît pas et s’entendre renvoyer inlassablement la même phrase :
« Sérieux, tu connais pas ?
– Euh, bah ouais, sérieux. »
Alors sérieux, aujourd’hui, c’était ma première fois avec Jorge Lavelli, autour du spectacle « On ne l’attendait pas », joué à Présence Pasteur, puis autour d’une bouteille d’eau, au bar de Présence Pasteur.
Et ce metteur en scène consacré, Argentin de France né en 1932, n’a jamais cessé de vivre des premières fois.
Une première programmation dans le OFF en 2015 qui le ramène à ses premières fois dans le IN en 1967 aux côtés de son ami Jean Vilar, au temps d’un compagnonnage où tous les rôles étaient confondus, loin du théâtre bourgeois. Pour Jorge Lavelli, passer de la Cour d’honneur à Présence Pasteur, c’est avant tout une affaire de géométrie de la scène.
Une première traduction du texte du Suédois Stig Larsson (en 2003) par Jacques Robnard, l’ami de Lavelli qui l’accompagne dans la création du spectacle avec le même souci d’éclairer, d’expérimenter, sans jamais expliquer.
Une première présentation au public avec des comédiens recrutés au « JTN » qu’il a fallu déconditionner de la « corruption de la télévision et des écoles de théâtre » en privilégiant un « travail antinaturaliste » et « un jeu imaginatif où il faut payer de sa propre personne ».
Une première interprétation nourrie de mes dernières « premières fois » : mon premier Pixar (« Vice-versa ») et ma première séance de psychanalyse. Alors, « On ne l’attendait pas », « ça parle de quoi ? ». « C’est la déconstruction symboliste et poétique du tabou œdipien. » En gros, ça parle.