De la frénésie du savoir-vivre

Ils tentèrent de fuir

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Il y a la frénésie d’un bonheur que Sylvie et Jérôme idéalisent. Et il y a deux acteurs qui idéalisent, à leur tour, ce que pourrait constituer la parfaite mise en scène de l’un des textes les plus incontournables du xxe. Avec « Ils tentèrent de fuir », Soufian El Boubsi propose une mise en scène tonique, qui met intelligemment en parallèle « Les Choses » de Perec en interrogeant les moyens et finalités du théâtre.

La force initiale de la langue romanesque est particulièrement à l’œuvre durant la première partie de la pièce, qui fonctionne avec un ton et un rythme tout à fait convaincants. Si l’on peut déplorer quelques creux narratifs – qui manquent à éclairer le propos du texte d’un point de vue politique véritablement tranché – ou encore un jeu d’acteurs par endroits inégal, le spectacle réussit à tenir le spectateur en haleine. Nathalie Mellinger et Pierre Verplancken touchent par leur jeunesse et leur vitalité, confrontée à l’image vaine d’un couple parfaitement normé – en ce qu’il refuse, justement, la banalité d’une consommation conçue comme ordinaire de la vie.

Dans cette dystopie, le rappel à la triste réalité voit l’impossible vœu de réconciliation entre bonheur et liberté s’effriter puis s’effondrer. C’est une fuite en avant que dessine la pièce, qui étire son propos métathéâtral vers un horizon quelque peu flou. En effet, la mise en scène de ce pamphlet contre les dérives de la société de consommation ne brille pas spécialement par un parti pris transgressif. Il s’agit avant tout de dessiner un point de fuite à travers lequel s’engouffrent personnages comme acteurs, face à la peur du rêve qui s’efface devant la tragique et ordinaire lourdeur de la vie.