“Démocrate ? Personne ne l’est plus que moi”

Les affaires sont les affaires

© Simon Gosselin

© Simon Gosselin

« Démocrate ? Personne ne l’est plus que moi… »

Isidore Lechat est la figure même du patron que l’on abhorre. Celui qui s’est sorti de sa condition en roulant sur les autres, en écrasant, en évinçant ses adversaires et tous les tracas, sans vergogne. Dans son « château », où il y a « autant de chambres que de rois dans l’histoire de France », Monsieur Lechat n’en finit pas d’inviter des « amis », au grand désarroi de sa femme, qui semble s’être lentement fait emprisonnée dans cette prison dorée. Seule la fille tente de résister, de son courage tout innocent et bourgeois. Le fils, lui, demande 200.000 francs pour réparer des pertes au jeu.

De ce magma vaudevillesque, Claudia Stavisky tire du texte une force de frappe impressionnante. Le travail scénique, très soigné, met en avant la marche irrépressible d’un destin implacable. Teinté tout du long d’un comique subtil – où l’on rit volontairement jaune – le drame se noue dans un rythme parfaitement calculé et laisse place au plus terrible effroi. L’espace – structuré par un magnifique décor – se referme un peu plus à chaque acte, emprisonnant les personnages dans la logique impérieuse et destructrice d’Isidore Lechat.

Le jeu des acteurs et actrices est tout à fait remarquable, juste de ton et assez naturel. On se trouve transporté, avec un rythme soutenu mais non suffocant, dans un va-et-vient continu – hérité du genre de la comédie de mœurs. Le duo qui se tient tête, Germaine Lechat (Lola Riccaboni) et le patriarche (François Marthouret) est éblouissant. La voix de se dernier, rocailleuse et sonore, projette sur scène l’ombre de sa malice. Les autres acteurs ne sont pas en reste, avec notamment une Madame Lechat très convaincante, entre résignation bourgeoise et amour maternel caché (Marie Bunel).

Écrite au début du XXe siècle, Les affaires sont les affaires portent un regard sévère sur la société capitaliste, avec ce portrait au vitriol de la famille Lechat. Dans la déchéance progressive tissée par la pièce, aucune forme de rédemption ni de châtiment n’est pourtant offerte. La suite inexorable d’événements se poursuit, avec comme mot d’ordre l’aboutissement nécessaire, implacable, des « affaires ».