Ego-trip

+51 Aviación, San Borja

© Yuta Fukitsuka

© Yuta Fukitsuka

Tout semblait pourtant nous inviter au départ. Le trio de valises qui déversent progressivement leur contenu sur le plateau coloré, une création lumière aux néons tapageurs qui pourraient rappeler une déambulation nocturne à Shibuya et, surtout, la plume et le panache de Yudai Kamisato, plus jeune metteur en scène à avoir reçu le prix TOGA, en 2006.

Mais, passé le premier étonnement de se retrouver confronté à un trio de comédiens doté d’une indéniable précision du geste et d’un débit de parole façon mitraillette, impossible de se laisser emporter dans ce périple entre Okinawa et Lima. Un Japon nostalgique et un Pérou fantasmé qui constituent les origines de Yudai Kamisato. L’auteur-metteur en scène nous présente ainsi pêle-mêle sa grand-mère exilée en Amérique du Sud et la tombe de ses ancêtres sur l’archipel nippon, et convoque même le fantôme de Seki Sano, figura du théâtre japonais partie pour le Mexique au milieu du xxe siècle.

Une succession d’autoréférences qui s’étiolent au lieu de s’amalgamer. La diction est atone, les propos décousus, et la mise en scène s’échine à singer le déplacement spatial et temporel – telle cette comédienne endormie face à sa Game Boy, reflet de la vacuité d’un trajet en avion. Cette quête des origines mêlée d’élucubrations sur le sens du théâtre finit par tourner à l’ego-trip, laissant le spectateur aussi perplexe qu’assommé. « Vous êtes sûr que c’est ce que vous vouliez ? » nous interpelle un des comédiens à l’issue du spectacle. Pas si sûr, en effet.