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Le « Livre de Job » est l’un des épisodes de la Bible les plus emblématiques et les plus commentés. Chef d’œuvre de la littérature hébraïque, il interroge non seulement le rapport à la foi et la justice divine, mais plus largement à l’errance intérieure, la souffrance et la condition humaine. Ce n’est pas un hasard que ces thèmes aient résonné chez des auteurs juifs : on connaissait le texte d’Hanokh Levin, on découvre ici l’adaptation par Koen Tachelet du magnifique roman de Joseph Roth, publié en 1930 (qu’on relira pour l’occasion, car dans les Roth de la littérature il n’y a pas que Philip).

La metteuse en scène allemande Lisa Nielebock s’est emparée de la fable avec un sens de l’économie et une rigueur scénique remarquables. Pour tout décor, de grandes parois en bois clair, inclinées, entre lesquelles Mendel Singer (l’excellent Michael Schütz) subit les épreuves divines. Ce Job russe, bientôt émigré aux États-Unis à la veille de la Première Guerre mondiale, laissant derrière lui son cadet Menuchim atteint d’une maladie mentale, voit sa vie tomber peu à peu en morceaux. Symétrie avec la vie tragique de Joseph Roth, mais aussi avec le destin des Ashkénazes dans l’entre-deux guerres, abandonné à la fureur d’un Diable dont on peut se demander avec Jung s’il est « la main gauche de Dieu ».

Ponctuée par des traits d’humour juif, jouant constamment sur des allers-retours spatio-temporels, la pièce atteint son climax avec de la réapparition du fils : en repoussant littéralement les murs du monde, elle donne lieu à une magnifique séquence dont la puissance visuelle rappellera l’une des séquences cultes du film « Mommy » de Xavier Dolan. Une belle démonstration scénique de ce qu’est peut-être la force de l’humanité, sa résilience devant la souffrance. “I read the book of Job last night, I don’t think God comes out well in it”, écrivait Virginia Woolf.