Gueule de bois

THE_EVENING_155_FINAL

Trois losers, tout droit sortis du jeu « GTA: Vice City », enfilent bière sur bière dans un bar miteux et reculé de l’Amérique profonde et livrent leur rapport déceptif et désenchanté au monde. C’est le sujet de « The Evening », la fable sociale et intime de Richard Maxwell, bien trop laconique et stéréotypée pour séduire.

L’artiste américain développe un théâtre sans attrait où règne l’antiglamour (des murs maronnasses, une table coincée à côté d’un comptoir surplombé d’un écran de télévision où défilent les actualités sportives, des mecs en jogging qui affichent une virilité mâle désuète…). Il met en scène des personnages dans des situations ordinaires et hyperréalistes. Au centre, un boxeur à la gueule cassée exhibe ses hématomes vermeils. Il se bat avec niaque depuis des décennies et attend de faire son glorieux come-back en se mettant sous la coupe d’un coach manipulateur avec lequel il entretient une relation litigieuse. Ils partagent avec une serveuse – sans doute aussi une prostituée – une vulnérabilité et un sentiment d’asphyxie, d’entravement qui les poussent à vouloir partir, s’échapper, s’extirper. Alors qu’on la croyait condamnée d’avance, la seule figure féminine y parviendra : sa fuite vers un ailleurs blanc et brumeux s’apparente à une mystérieuse dissolution donnant lieu à une belle image finale.

Prisonniers d’un espace exigu qui impose la promiscuité indésirable des corps, des êtres éprouvés et esseulés déroulent une série de lieux communs sur les rapports âpres et rugueux entre les hommes et les femmes, l’immobilisme d’une vie étale et les aspirations contrariées. Le jeu aplatit complètement les rêves des personnages, qui apparaissent sans grâce ni risque. Les comédiens, qu’on dirait plus sous antidépresseurs que sous stéroïdes, manquent de force et d’engagement, sur les plans physique aussi bien qu’émotionnel. Restent les chansons suaves et sirupeuses interprétées par trois musiciens en direct, une petite touche bienvenue de mélancolie dans la froideur sordide de l’ensemble.