Haut-le-cœur

Leïla se meurt

LEÏLA SE MEURT - Chorégraphie et mise en scène : Ali Chahrour CHAHROUR Musique : Ali HOUT, Abed KOBEISSI Dramaturgie : Junaid SARRIEDDINE Scénographie : Nathalie HARB Lumière : Guillaume Tesson TESSON Costumes : Bird on a Wire Assistanat à la mise en scène : Christel SALEM Avec : Ali CHAHROUR - Leïla CHAHROUR - et les musiciens : Ali HOUT, Abed KOBEISSI - Dans le cadre du 70eme festival d Avignon - Lieu : Cloitre des Celestins - Ville : Avignon - Le : 20 07 16 - Photo : Christophe RAYNAUD DE LAGE

(c) Christophe Raynaud de Lage

La situation de base est universelle, un homme mort et une femme qui pleure. C’est à cette cérémonie atemporelle qu’Ali Chahrour nous convie sur scène mêlant habilement image, émotion et politique. Les pleureuses incarnent l’intimité entre les tout-juste-morts et les encore-vivants, un accompagnement professionnel – c’est un métier –, une façon d’être tout en emphase et traditions, citations des gestes d’icône et de pietà.

Vient alors le déploiement de la clameur : nous voilà, telle une foule qui suit le cercueil du martyr, en train de vivre un rituel piaculaire : corps agenouillés, lamentations cadencées, sanglots, cris, en gros plan ou en collectif… La singularité (le chagrin) et en même temps le stéréotype des gestes collectifs (le deuil) offert et mis en scène tendent parfois à donner à ces lamentations une dimension presque décorative, et, comme le dit si bien Baudelaire, s’exprime ici la « vérité emphatique du geste dans les grandes circonstances de la vie ».

Dégager le pathos de toute figure psychologique, produire des images de lamentation qui ne sont pas pour autant lamentables est un défi que le chorégraphe relève avec une simplicité désarmante. Ici tout est affaire de corps, de besoin vital et de chants. Des images de pathos non déconnectées du politique, car ce n’est pas seulement l’émotion qui est donnée à voir. Comme l’explique si bien Didi-Huberman dans son essai « Peuples en larmes, peuples en armes », ce geste est avant tout politique. Le chorégraphe libanais ne cède pas à la tentation d’occidentaliser son discours ou son esthétique comme on a pu le regretter chez d’autres créateurs étrangers invités au festival. Les textes chiites psalmodiés gardent leur violence et, même si parfois certains vers sont difficilement audibles par nos oreilles abîmées, il faut saluer le courage et l’amour de son peuple.