Le mal sans remède

Les 120 Journées de Sodome

© Elodie Lecat et David Schaffer

© Élodie Lecat et David Schaffer

Liddell réclamait à corps et à cris de nous abandonner à nos pulsions les plus obscures, les plus répugnantes ; celles qui violaient les lois mêmes de la Nature. Si – après la ronde infernale de cette sublime déesse – il vous fallait encore une réponse à cette quête, ne cherchez plus. « Les 120 journées de Sodome » combleront ce manque – et tous ceux auxquels vous n’aviez pas encore pensé.

Tandis que Lepage et Cloutier avaient fabriqué une figure de Sade narrativisée et discursive, où l’esthétique du monstrueux outrancier s’inscrivait tant dans la langue que la chair, la Cie Terrain de jeu se concentre sur le texte pour en révéler le mécanisme d’écriture. C’est ici l’énergie du mot « scabreux » qui est célébrée et mise en scène. L’horreur de l’image n’est illustrée que dans la réaction sensible qu’elle provoque : claquements et résonances de pianos désossés, cris et grincements de dents, affreux martèlement de pas qui scandent l’irrémédiable chute vers un Mal toujours plus viscéral. Car « il est reçu, parmi les véritables libertins, que les sensations communiquées par l’organe de l’ouïe sont celles qui flattent davantage et dont les impressions sont les plus vives » (Sade).

Autour d’une table où sont inscrits les jours des mois de novembre à février, les huit acteurs-trices circulent inlassablement. Dans leur répétition continuelle de ce calendrier ainsi que des 600 passions qui le rythment – règles de vie désaxées qui dessinent une véritable escalade du vice –, les corps sont les objets d’un désir violent qui décortique la chair. On se trouve emporté-e-s dans ce tourbillon avec une force strictement implacable, sans joie mais avec plaisirs et tourments.