Passion Géode

Quicksand

© Paula Court

© Paula Court

Un patchwork géant trône telle une voile tendue au-dessus du plateau, et une voix, celle de Robert Ashley, retentit dans le silence religieux accordé par la salle. Le débit est intense, le ton quelque peu geignard et monocorde ; un côté Woody Allen, la fantaisie en moins. Il est question d’un tueur à gages en vacances avec sa femme en Asie du Sud-Est. Les non-anglophones ne sont pas gâtés ce soir : le théâtre n’a choisi de surtitrer que les passages jugés importants à la compréhension de l’intrigue. Mais tant pis, c’est la musicalité des mots qui compte ici. Quelle idée de vouloir comprendre ce qu’on nous raconte, franchement !

Le patchwork géant s’effondre. Des formes mouvantes ondulent et se répandent sur le sol. La voix ne s’arrête pas. Room service, croisière en bateau, groupe de yoga. Tiens, il y en a un qui se lève sous le drap. Des rires nerveux s’élèvent, les écrans de téléphone se rallument. Le patchwork se tend à nouveau, il n’y a personne sur scène, et cette voix qui ne s’arrête pas. Indifférente au non-spectacle qui se joue, une partie de la salle s’autorise à prendre congé. L’autre choisit de fermer les yeux ou tente poliment de lire le programme dans le noir. Pas évident.

Ah ! Un danseur sur scène ! Il sort. Le tueur à gages parle culture du riz et du maïs tandis que les phases terminales du cancer du poumon se réveillent en chœur dans l’orchestre. Ils sont deux, allongés sur le sol, ils tournent sur eux-mêmes. Des conversations s’engagent entre spectateurs, on fait connaissance. Et cette voix qui ne s’arrête pas, flux de paroles indigeste et soporifique. Mais qu’est-ce qu’on fout assis là ? On aurait dû se faire une soirée Géode, au moins on aurait appris des trucs.