Portrait de l’homme en cynique désabusé

Rencontre avec un homme hideux

(c) Laura Bazalguette

(c) Laura Bazalguette

Faut-il être fort pour capter près d’une heure et demie durant l’attention du public avec une histoire pas facile (le récit d’un viol) portée par une scénographie minimaliste. On a eu peur, pourtant, les premières secondes, la faute à l’éclairage cru et au fauteuil posé sur la scène en guise de décor, peur de tomber sur une énième mise en scène à la mode où il n’aurait manqué que ce micro qu’on voit partout. C’était compter sans le talent de Rodolphe Congé et de David Foster Wallace.

Il ne faut pas se laisser tétaniser par ce qu’on a entendu sur David Foster Wallace à la parution de « L’Infinie Comédie ». Mieux vaut venir vierge de tout a priori afin de mieux se jeter dans la mise en abyme qu’est le spectacle. Ce portrait, c’est le récit d’un récit. Le récit du viol subi par la femme, absente, dont l’homme qui parle est tombé amoureux. L’homme hideux c’est le violeur, mais peut-être aussi l’homme qui parle devant nous, ce cynique qui certes s’effrite mais précise quand même, comme si cela changeait quoi que ce soit, que le violeur était métis.

Sous la carapace de cynisme, on se pose des questions sur cet homme. Au portrait peu flatteur qu’il dresse de la femme lors de leur première rencontre fait suite une phase problématique : l’affirmation qu’il a aimé cette femme au moment où elle lui a raconté ce qui lui est arrivé. Dès lors, on s’interroge : est-ce la force de cette femme qui a survécu à son agression ou son statut d’ancienne victime qui séduit l’homme ? Les pistes sont nombreuses, les jugements hâtifs désamorcés par l’idée diffuse que rien n’est jamais aussi simple qu’il n’y paraît. Mais le doute s’installe en même temps que l’empathie se crée.