Splendide Yvette Guilbert

Chansons sans gêne

(c) Arnold Jerocki

(c) Arnold Jerocki

Amateur-trice-s de chanson et de café-concert, ne manquez pas ce spectacle consacré à Yvette Guilbert, d’une qualité rare dans le domaine des hommages aux chanteur-se-s disparu-e-s. Troisième volet d’un triptyque dédié à la « diseuse fin-de-siècle », cet épisode est consacré à la fin de sa vie, marquée par un récital d’adieux au public parisien en 1938, les débuts d’une carrière dans le cinéma à soixante ans passés, et un engagement pour les droits des femmes (elle meurt à la fin de l’Occupation, deux mois avant d’obtenir le droit de vote) : une vieillesse qui n’est pas un déclin.

Le répertoire interprété par Nathalie Joly et Jean-Pierre Gesbert fait alterner des chansons comiques et satiriques parfois corrosives (« À présent qu’t’es vieux ») et des complaintes mélancoliques (« Pourquoi n’êtes-vous pas venu ? », « Blues de la femme »), à l’image du répertoire ambigu et complexe de l’artiste, alliant ombre et lumière, burlesque et raffinements poétiques, puissance et vulnérabilité. La mise en scène de Simon Abkarian fait jouer dans un équilibre subtil le kitch, le charme suranné et la sobriété scénographique, où quelques flashs suffisent à évoquer les feux de la rampe et les failles du vedettariat. Il parvient à restituer le caractère inactuel/intemporel de la chanson réaliste, dont Guilbert a été une importante précurseure, ouvrant la voie à des chanteuses comme Fréhel, Piaf, Barbara ou plus récemment Juliette.

Mais c’est sur l’interprétation virtuose de Nathalie Joly que nous voudrions insister, sa capacité à interpréter Yvette Guilbert, au sens fort du terme, en la rendant à la fois lointaine – femme de son époque, saisie dans sa singularité, son étrangeté – et proche – elle nous touche profondément. Fruit d’un travail vocal et théâtral de longue haleine et d’une recherche dans les archives de la chanteuse (écrits, conférences), il s’agit là d’un vrai travail de composition.