The Dark Knight Falls

Un Batman dans ta tête

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Dans un « monologue » adressé à lui-même, Matthieu retrace le récit de son glissement vers la folie, la violence et la mort. Je dis ici monologue par convention, faute de mieux, car les voix sont si nombreuses dans la tête du jeune homme qu’il serait impossible de dire pour combien de personnages est écrite cette pièce. Un chœur intérieur tente de se souvenir et de comprendre. Dans la polyphonie des sujets qui prennent la parole tour à tour par la voix de l’acteur, le récit se syncope, miettes éparses, bris de verre, miroir éclaté aux reflets multiples. Malgré la gravité du propos, il y a du plaisir à rassembler les pièces de ce puzzle, à recomposer la chronologie, à comprendre les causes et les effets. À cette contre-narration s’ajoute la beauté de la langue de David Léon, tranchante comme la lame qu’utilise Matthieu pour se mutiler, lui et son camarade, afin de ressentir enfin « l’émotion ». Détruire pour construire.

Pour nous accompagner à soutenir le chaos de cette personnalité hachurée, Hélène Soulié propose un format extrêmement simple, précis, presque minimaliste, et d’une lisibilité irréprochable. À chaque séquence correspond une image très composée, comme on jouerait à 1, 2, 3 soleil, avec la certitude que si quoi que ce soit remue, tout disparaît. Écrin délicat pour recueillir ce témoignage fragile et précieux.

Chaque héros contient en lui-même la faille initiale : deuil, accident, traumatisme… Frontière invisible entre le surhomme et le monstre. Le jeu vidéo permet de réaliser ce dépassement de soi. Partie après partie, virtuel et actuel se confondent et il ne reste que le cri d’un enfant qui subit la plus grande des injustices, celle de ne pas être aimé.