Totem et Tabou

Jaz

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Dans un no man’s land où plus rien ne tient debout, « Jaz émerge comme un lotus » pour faire don de sa beauté, jusqu’à faire don de son nom, un soir où ce potlatch urbain tourne au drame. Figure erratique et amnésique, Jaz est sans doute le personnage le plus insaisissable du théâtre de Koffi Kwahulé. Son monologue jamais ponctué, piégé par l’épanorthose, est incessamment remis en scène par des quêteurs de sens déterminés à retrouver la lettre dont Jaz a été privée. Un Z désorienté.

À la Parenthèse, la compagnie Diptyque Théâtre choisit une mise en scène minimaliste pour un texte minimal. Parce que le sens était là, sous nos yeux, derrière l’écran de la pudeur. Ce bon vieux tabou sur le viol. Alors on déshabille le plateau, on éventre les mots et on creuse, parce que ce qui tue c’est l’enfoui. Ici, les quêteurs de sens ont fait la place aux quêteurs de vie. Et la mystique kwahuléenne, ses énigmes talmudiques et ses légendes sacrificielles tombent les masques – déroutant au passage l’écolier idolâtre. Car il faut sauver Jaz de la voracité des hommes. Il faut écouter Jaz et faire silence, taire la rumeur qui soulage les inquiets, éteindre les écrans où s’abreuvent les indifférents.

À la Parenthèse, on réincarne un personnage désincarné par des exégètes avides du label de « modernité », pressés de faire rentrer sur les plateaux contemporains ce qui n’était pas « rentrable », comme dit Niangouna, pressés de s’affranchir d’un autre label, devenu honteux, le label « théâtre africain ».

À la Parenthèse, on a déshabillé les concepts, défroqué les terminologies, pour ne conserver qu’un souffle de vie à deux temps : un personnage, une situation dramatique. Et ce personnage, on l’écoute, car il n’est pas un alibi esthétique.