Toute la poésie du journal « Hara Kiri »

Exposition Hara Kiri

Bison Bourré, Hara Kiri, 1978. Photographe : Alain Beauvais. Avec l’aimable autorisation de la collection Marc Bruckert & Thomas Mailaender. / Drunk Bison, Hara Kiri, 1978. Photographer: Alain Beauvais. Courtesy of Collection Marc Bruckert & Thomas Mailaender.

Bison Bourré, « Hara Kiri », 1978. Photographe : Alain Beauvais. Avec l’aimable autorisation de la collection Marc Bruckert & Thomas Mailaender. / Drunk Bison, Hara Kiri, 1978. Photographer: Alain Beauvais. Courtesy of Collection Marc Bruckert & Thomas Mailaender.

S’il est bien un adjectif qu’instinctivement je ne pensais jamais accoler au nom du journal satirique « Hara Kiri », c’est celui de « poétique ». Corrosif, provocateur, scatologique, oui, bien entendu. Le journal, autoproclamé « bête et méchant », en avait fait sa marque de fabrique, son identité. On découvre, avec l’exposition « Hara Kiri Photo », que le magazine avait bien d’autres dimensions, dont une certaine poésie, donc.

Quatre ans de travail auront été nécessaires à Thomas Mailaender et Marc Bruckert, les commissaires de cette exposition, pour rassembler les 350 documents photographiques – photos originales retouchées, grands tirages pour la photogravure, bande d’ektas de séances de prises de vues, cartes postales et objets promotionnels – qui en délivrent la démonstration.

Première surprise : la place prépondérante de la photographie dans le journal fondé par François Cavanna et Georges Bernier, alias le « Professeur Choron ». D’« Hara Kiri », la postérité a surtout retenu le ton grinçant, les articles engagés et les trois générations de dessinateurs que le journal a contribué à révéler. « C’est oublier la place remarquable de la photographie dans son succès », souligne Thomas Mailaender, qui rappelle qu’elle occupait les deux tiers du journal.

Roman-photo, photos parlantes, photomontages et publicités détournées servaient de supports à l’imagination débridée des collaborateurs d’« Hara Kiri » – Cavanna, Bernier mais aussi Wolinski, Topor, Gébé, Reiser et Gourio –, n’épargnant rien ni personne et surtout pas les flics, les curés et la France traditionnelle et bien-pensante que le journal a aussi contribué à faire évoluer.

L’Équipe d’Hara Kiri a testé le Concorde, Hara Kiri, 1983. Photographe : Jacques Chenard dit Chenz. De gauche à droite : Gébé, Reiser, Cabu, Wolinski, Georges Bernier alias Professeur Choron, Cavanna, Willem, Jean Fuchs. Avec l’aimable autorisation de la collection Marc Bruckert & Thomas Mailaender. / The Hara Kiri team has tested the Concorde, Hara Kiri, 1983. Photographers: Jacques Chenard aka Chenz. From left to right: Gébé, Reiser, Cabu, Wolinski, Georges Bernier aka Professeur Choron, Cavanna, Willem, Jean Fuchs. Courtesy of Courtesy of Collection Marc Bruckert & Thomas Mailaender.

L’équipe d’« Hara Kiri » a testé le Concorde, « Hara Kiri », 1983. Photographe : Jacques Chenard, dit « Chenz ». De gauche à droite : Gébé, Reiser, Cabu, Wolinski, Georges Bernier alias le « Professeur Choron », Cavanna, Willem, Jean Fuchs. Avec l’aimable autorisation de la collection Marc Bruckert & Thomas Mailaender. / The « Hara Kiri » team has tested the Concorde, « Hara Kiri », 1983. Photographers: Jacques Chenard aka Chenz. From left to right: Gébé, Reiser, Cabu, Wolinski, Georges Bernier aka « Professeur Choron », Cavanna, Willem, Jean Fuchs. Courtesy of Collection Marc Bruckert & Thomas Mailaender.

Derrière l’objectif, Michel Lépinay puis, à partir de 1965 et jusqu’à la fin du journal, en 1981, Jacques Chenard, dit « Chenz », qui en signe presque toutes les couvertures. « Excellent technicien, rappelle Marc Brukert, Chenz a permis à “Hara Kiri” d’atteindre un nouveau public, à partir des années 1970, avec ses couvertures impeccablement éclairées et cadrées, travaillées en grand format. »

Sortis de leur contexte et débarrassés de toute légende, ces clichés permettent il est vrai de mesurer la dimension poétique que recelait aussi « Hara Kiri », tout comme ils révèlent les talents de performeur de Georges Bernier.

En témoignent ces photographies grand format, issues des fiches bricolage du journal. Couleurs bleues fanées, l’une d’entre elles, surréaliste et poétique, met en scène le personnage du Professeur Choron, une poire de lavement sur la tête. Dans un autre cliché, également étrange et beau, Bernier apparaît sur fond jaune, porte-cigarettes à la bouche, moustache soigneusement taillée, un mélange de merde et de caviar sur la tête. Car oui, chez « Hara Kiri », la scatologie n’est jamais bien loin de la poésie.

Et que les inconditionnels d’« Hara Kiri » se rassurent : un « cabinet de curiosités », placé au cœur de l’exposition, permet de renouer avec l’esprit franchement déconneur du journal. Y sont entreposés les objets promotionnels qui accompagnaient régulièrement le mensuel. On y retrouve des cartes – de flic, « de con », « d’intellectuel communiste » – à dégainer quand la société puritaine se fait trop oppressante, et des objets insolites telle la « Raidorée », un habile « écarte-fesses qui permet de se dorer la raie en gardant les mains libres ».