Double exposition à Beauvais

Habiter & Si tu me cherches je ne suis pas là, à l’ombre d’une collection d’affiches

© YMER&MALTA

© YMER&MALTA

Ce qui est frappant avec la Galerie Nationale de la Tapisserie, à Beauvais, c’est le musée en lui-même. Alors que, de l’extérieur, le bâtiment semble s’étendre sur la longueur, on découvre, une fois entré, une superbe lumière éclairant de beaux volumes. Dans un style très Le Corbusier, le musée – qui a récemment fait peau neuve –, nous invite très naturellement à la déambuler avec sérénité. L’emplacement même du bâtiment n’est pas anodin : en face de la cathédrale, les murs ont été construits sur d’anciennes ruines que l’on peut encore admirer.

La Galerie accueille actuellement deux expositions : « Habiter » et « Si tu me cherches je ne suis pas là, à l’ombre d’une collection d’affiches ». Toutes deux interrogent la notion de design : la première à travers les créations de Benjamin Graindorge, la seconde via une sélection d’affiches issues de la collection de Chaumont (composée de 50 000 pièces). Toutes deux font montre d’une adaptation intéressante à l’espace peu commun du musée. En se réappropriant le lieu, elles offrent un second degré de lecture intéressant : une sorte de regard critique sur ce qu’est en soit une exposition.

Graindorge présente une collection d’objets, à mi-chemin entre art et design, en différents espaces, délimités par de fins rideaux blancs, légers et transparents. On doit entrer dans chaque petite alcôve pour se retrouver dans une dimension plus adéquate à notre rapport aux objets. Au lieu d’être perdus dans les salles du musée, chaque objet retrouve une échelle appréciable. Graindorge organise ainsi cette déambulation telle une présentation d’intérieur : après avoir admiré une pièce spécialement conçue pour l’exposition, on défile devant un autel (l’entrée), une salle à manger, un salon. Chaque pièce composant ces « scènes » est exceptionnelle et traduit un regard intelligent sur ce qu’est la Nature et ce qu’elle nous enseigne. L’exemple du banc « fallen Tree » (2011) est particulièrement frappant : des planches en bois travaillées se poursuivent en branches d’arbre brutes, habilement rattachées les unes avec les autres selon un travail d’orfèvre. Ainsi, l’arbre suggère une forme et son utilité ; à moins que ce ne soit l’objet manufacturé qui retrouve son aspect originel.

Même si cette présentation semble trop courte, elle est fascinante de beauté. Chaque pièce – lampes, table marquetée, canapé, miroirs, etc. – a son intérêt propre et puise également sa force dans l’ensemble des mises en scènes d’espaces quotidiens. On termine le parcours sur une série de superbes dessins du designer/artiste ainsi qu’un petit film documentaire. Graindorge met ici l’accent sur deux choses qui lui tiennent à cœur. D’une part, l’importance du travail collaboratif qui irrigue l’ensemble de sa création. D’autre part, sa force poétique.

© Ville de Beauvais - C. Mazet

© Ville de Beauvais – C. Mazet

La seconde exposition laisse d’emblée le spectateur beaucoup plus perplexe. Les affiches choisies par les commissaires d’exposition Jean-Marc Ballée et Étienne Hervy sont présentées par « ensembles » de deux à quatre affiches, sans notice explicative. Il s’agit, selon eux, de laisser libre cours à nos facultés perceptives, pour trouver ce qui les rassemble – ou pas. Le spectateur est seul face à ces affiches dont la plupart des codes ou détails contextuels lui sont inconnus – s’il est néophyte. Le regard traîne d’une affiche à l’autre… avec plaisir. Certes, l’idée peut sembler très rébarbative : se laisser emporter sans beaucoup de support d’un « bloc » d’affiches à un autre, dans l’attente de trouver un quelconque sens. Mais cette exposition est une véritable expérience qui a un côté ludique et détaché. Lorsque l’on est bien accompagné – ce qui, croyez-moi, ne consiste pas à être entouré de petites vieilles désabusées – on se laisse prendre au jeu. Toute la question étant de savoir si l’on est prêt à faire le trajet jusqu’à Beauvais pour se laisser surprendre… Je l’ai fait et je ne suis pas déçue, même si l’exposition est aussi libre que son sujet.