Un baiser est un baiser est un baiser

Reusable parts/Endless love

DR

Tout comme le poème de Gertrude Stein, la performance de Gerard et Kelly montre la simplicité et la complexité du baiser. À partir d’un enregistrement – réalisé en cachette – d’une description orale de la performance de Tino Sehgal, « Kiss » (2010), le duo de chorégraphes américains voulait créer sa propre version de ladite performance. Il s’agit pourtant d’une lecture critique, dans laquelle les codes culturels du baiser sont remis en question et déformés pour être mieux exposés.

Le procédé est simple : un danseur écoute l’enregistrement et essaie de le reproduire le plus fidèlement possible. Un micro enregistre sa prestation, et nous, les spectateurs, l’écoutons en boucle. Puis, une autre danseuse fait de même, sans écouter pourtant l’enregistrement du danseur précédent ; elle enregistre aussi son discours, lequel est aussi ajouté en boucle à l’enregistrement du danseur précédent. Chacun propose une chorégraphie inspirée du discours. Un autre danseur fait de même… et ainsi de suite, jusqu’à l’infini. Cette « traduction » individuelle du discours multiplie les interprétations, dans un effet de miroir.

Pendant une heure et quart, la froideur de cette description et des mouvements privés de sens nous invite à réfléchir. Sans amour ni érotisme, le baiser se transforme en acrobatie, en performance, en petits gestes appris et répétés jusqu’au ressassement. Le travail de déconstruction mené par Gerard et Kelly décortique ce baiser pour dévoiler les mécanismes hétéronormatifs qui le régissent. Dans une volonté de « dé-chorégraphier » cet acte en apparence naturel, voici une performance sensible et intelligente.