(c) Jane Hobson

Au Royaume-Uni post-Brexit, comme partout en Europe, en pleine crise identitaire, on s’interroge sur les préjugés qui véhiculent un racisme soft. Malheureusement, là où “We Love Arabs” de Hillel Kogan fonctionne parfaitement, “Border Tales” tombe dans le piège de la connivence des bonnes consciences qui tentent de combattre les clichés en les énumérant jusqu’à la caricature, sans en épargner aucun : la Chinoise à qui on tient absolument à servir un thé au jasmin, l’Egyptien qu’on suppose polygame, la Nigériane reléguée aux danses tribales… Le problème c’est que cette énonciation forcée ne suffit pas. Elle ne provoque rien, ni émotion, ni réflexion. Au vu du succès critique et public, on reconnaît que “Border Tales” est un spectacle feel good dont nos sociétés occidentales post-coloniales culpabilisées et crispées sur elles-mêmes ont sans doute besoin. Mais ce dont elles ont surtout besoin, c’est d’un grand coup de marteau dans leur psyché brisée, et pas une caresse facile dans le sens du poil. Restent les séquences chorégraphiques, précises et rythmées, et la physicalité remarquable des six danseurs (mention particulière à Salah El Brogy). Au lieu de tenter de poser une démonstration par l’absurde parfaitement inefficace, on aurait préféré qu’ils se contentent de danser. Leurs corps avaient bien davantage à nous dire.