© Caroline Ablain

Dans la programmation de cette nouvelle édition de DañsFabrik à Brest, Jours étranges aurait pu jouer le rôle de la pièce patrimoniale, là pour évoquer l’histoire – riche – de la danse contemporaine française de la fin du XXe siècle ; mais c’était sans compter sur Catherine Legrand qui a cherché non pas la commémoration mais bien la reconstitution d’une pièce créée au début des années 1990 par Dominique Bagouet, chorégraphe trop tôt disparu.

Au lieu de respecter à la lettre la chorégraphie comme la distribution d’origine, elle a conviée six femmes, dont certaines qui ont dansé comme elle dans la compagnie Bagouet, à se rappeler de « comment c’était il y a vingt ans »… Ou était placée celle-ci, dans quelle direction allait celle-là… moments qui cassent le souvenir pénible que peut avoir la disparition si regrettée de Bagouet. Du coup, Jours étranges devient ludique et drôle. Cette version remet au centre la danse, la musique des Doors et la voix de Jim Morrison. Catherine Legrand a gardé les enceintes au lointain, immenses sculptures qui servent d’unique décor et les lumières sur pied qui créent ce climat très rock déjà présent à l’origine. On retrouve dans cette nouvelle interprétation de la danse de Dominique Bagouet assez libre et joyeuse ces petits sauts, jambes en arc de cercle comme une bouteille d’Orangina, cette marche dégingandée qui fait penser à celle de Charlot avec sa canne, bras en accroche cœur, jusqu’au final où l’on retrouve la sensation de cette danse, bras écartés, pieds faisant du sur place comme lorsqu’on résiste au vent sur une falaise… Impossible d’avancer, efforts vains mais libérateurs d’écarter les bras pour aller chercher loin le creux du dos. Moment mémorable mais dénué de tous signes d’hommage, juste le plaisir de retrouver une danse étrange déjà les années de sa création mais qui rappelle une certaine joie de vivre, un côté libre et naturellement joyeux, une insouciance qu’on ne trouve plus de nos jours où les choses semblent si incertaines, ici comme ailleurs.